DoMeAFavour

And break my nose

Mardi 4 juillet 2017 à 19:58

Après réflexion, je peux dorénavant affirmer que la meilleure décision que j'ai pris cette année, c'est de commencer à prendre des cours de guitare avec Oliver. 

J'ai connu Oliver en décembre 2015, alors que je travaillais dans un hôtel dans le centre-ville de Liverpool. Juste après l'avoir engagé, ma responsable m'avait dit  "Oh Laure, tu vas adorer le nouveau, Oliver. Il est exactement ton type". Une autre collègue me confiait qu'il avait un très beau sourire. Il est vrai que lorsque je l'ai vu pour la première fois, je ne pouvais qu'être d'accord; il avait un sourire d'enfant, large et magnifique. Et c'est vrai que comme le prédisait ma responsable, il cochait toutes les cases de ma checklist, musicien, chanteur, auteur, compositeur et guitariste de son groupe, une présence sereine et apaisante, une excellente connaissance de la musique, et un gros faible pour les Beatles. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus. Nous discutions beaucoup musique, et dans la foulée, il m'avait fait écouter quelques chansons de son groupe. Il avait tout pour plaire, mais contre toute attente, je n'avais pas mordu à l'hameçon. Du moins, je n'en avais pas eu le temps. A l'heure actuelle, je ne sais toujours pas vraiment pourquoi la mayonnaise n'avait pas pris. Je ne savais pas si c'était le fait qu'il ne soit resté que deux mois, et qu'il bossait de nuit et moi principalement de jour, ou si c'était le contexte de ma vie amoureuse à l'époque qui m'avait rendue si hermétique. J'avais rencontré Oliver à un moment de ma vie où je développais  de multiples béguins ultra éphémères pour X ou Y, avant de me rendre compte que ce n'était rien de plus qu'un reflet de ma volonté désespérée de tomber de nouveau amoureuse de quelqu'un. Je crois que je m'étais fermée à lui par peur de faire une nouvelle erreur. 

Au début de cette année, j'étais tombée sur lui tout à fait par hasard sur Tinder, et depuis il commençait à me traverser régulièrement l'esprit. Il était célibataire, c'était peut-être un signe (et puis c'est tellement rare qu'un musicien soit célibataire, surtout s'il est doué). Cependant, j'avais laissé écouler quelques mois supplémentaires avant de reprendre contact avec lui. Je connaissais David depuis presque deux mois quand j'avais décidé qu'il serait temps d'accepter la proposition qu'Oliver m'avait fait de me donner des cours de guitare alors que nous étions collègues. L'offre tenait toujours, alors nous avions convenu d'une date pour la première leçon, le jeudi 14 juin à 14:00. 
David était trop indécis à mon goût, et cette histoire allait trop longtemps, alors j'avais décidé que plutôt de m'accrocher à lui, je mettrais des oeufs dans plusieurs paniers, pour ne pas tomber de trop haut si les choses n'allaient pas dans mon sens, et d'avoir une distraction. Surtout, il était temps que je ressortes du placard mon vieux rêve d'être musicienne et de dépoussiérer ma guitare qui jusque là ne m'avait pas servi. 

A l'instant même où je l'ai revu, j'ai su que le moment prophétique que mon ancienne responsable prédisait depuis si longtemps se produisait enfin. J'ai mordu à l'hameçon, et je continue même à le laisser me perforer la bouche. 

La première leçon était sympa. Oliver avait réveillé en moi l'ancienne Laure, celle que je n'avais jamais cessé d'être au fond. Avec ses leçons, Il m'avait fait prendre conscience que j'étais dans le déni; mon rêve de carrière musicale était resté intact. J'étais essortie pleinement enthousiaste de cette première entrevue, bien qu'Oliver avait désinvoltement mentionné une petite copine dans la conversation. Je m'en foutais un peu, car j'attendais surtout de lui qu'il me distraie de David.
J'avais adoré son appartement; c'était un studio, qui avait l'air d'être sorti tout droit des années 50 ou 60. Un studio qu'on aurait automatiquement attribué à un Bob Dylan, un John Lennon ou un Jimi Hendrix. Cuisine, coin salon et lit tous dans la même pièce, toilettes et douche partagés sur le palier. La bâtisse elle-même était si ancienne qu'elle semblait déjà avoir abrité un bon paquet de musiciens avant Oliver, et aucune rénnovation ne semblait avoir été faite depuis au moins trente ans. Dans la pièce, on y trouvait une guitare dans chaque coin, une ampli, un bureau des années 50, un lit simple adossé contre un vieux placard, une table basse et un canapé dépareillés, des bougies dans des photophores turcs, des collages artistiques sur un pan de mur, un lecteur vinyl qui devait déjà tourner des disques bien avant sa naissance,  un décapsuleur Mickey Mouse, une étagère avec des assiettes à motif fleuri, des coussins en soie, un réfrigérateur presque vide, un grand panier à linge bleu turquoise (le même que le mien), des médiateurs de toutes les couleurs éparpillés un peu partout, des vitraux d'époque sur les fenêtres, un poster encadré Fantasia de Disney, une couverture de vinyl encadrée des Beach Boys, et surtout, une autre couverture de vinyl encadrée des Beatles; With The Beatles, mon album préféré de des Quatre Garçons dans le vent. Comment avais-je pu oublier que c'était aussi l'album préféré d'Oliver! Ce genre de détails reste d'habitude toujours dans ma mémoire. C'était con, mais cela me rendait tellement heureuse. With The Beatles n'est jamais l'album préféré des fans, j'avais l'impression qu'il n'y avait que moi qui l'aimais autant. 
 
La seconde leçon en revanche m'avait laissée amère. Je sentais une distance presque palpable entre Oliver et moi, et cela me rendait anxieuse. Mais où avais-je la tête. Non seulement il avait parlé davantage de sa copine ce jour-là, mais en plus, je voyais se profiler un gros déjà-vu à l'horizon. Pour situer le contexte pour les lecteurs qui viennent de commencer à me lire, je suis déjà tombée amoureuse d'un musicien [plutôt célèbre]  dans le passé, et il m'avait brisé le coeur, et les soirées en after que j'avais passé backstage en sa compagnie et celles d'autres groupes m'avaient fait perdre toutes toute illusions et ma rêve d'être artiste. J'avais remarqué que ces tous musiciens agissaient tous sans exception comme de beaux salauds, la cocaine et la célébrité leur montant à la tête. Je m'étais jurée que plus jamais je ne m'éprendrais d'un artiste. Oliver est encore à un stage très précoce de sa carrière, mais son groupe est déjà le chouchou de tous les promoteurs de Liverpool, et il a fait une tournée tremplin sponsorisée par le magazine de musique le plus célèbre du Royaume-Uni. Et bien qu'il soit tout à fait adorable à présent, je ne connais que trop bien que le lavage de cerveau que les musiciens subissent en chemin vers la gloire. J'allais droit dans le mur. 
 
Contre toute attente, la troisième leçon s'était passée beaucoup mieux que la précédente. Oliver avait commencé à s'ouvrir, et même à me demander une cigarette pour prolonger l'habituelle conversation que nous avons à la fin du cours sur le pas de sa porte. Je le sentais plus à l'aise, plus enclin à se rapprocher de moi. Nous avions même ensuite fumé une seconde cigarette, alors qu'il s'appliquait lors des précédentes leçons à refuser poliment les cigarettes que je lui offrais. Nous avions évoqué nos vies affectives respectives, les différentes ruptures amoureuses que nous avions traversé chacun de notre côté. Malgré moi, je commençais à flirter de façon très maladroite, et bien que je ne m'en étais maudite par la suite,  cela ne semblait pas déranger Oliver, même si lui ne flirtait pas en retour. Cependant, il semblait apprécier l'attention que je lui portais. 
 
 
Je viens tout juste de ressortir de ma quatrième leçon; incontestablement la meilleure jusqu'à maintenant. Oliver m'a accueilli avec un enthousiasme qui faisait plaisir à voir. Bien que je soie arrivée un peu en retard, il s'est tout de suite empressé de me faire écouter la nouvelle chanson qu'il avait enregistré avec son groupe. Par pudeur, il est allé aux toilettes immédiatement après avoir pressé play. Et c'était très bien comme ça, parce que j'ai fondu en larmes. J'ai passé une très mauvaise semaine, et ces derniers jours, je ne cesse de craquer à chaque belle ballade que j'entends. Cette chanson est parfaite. Oliver a vraiment donné le meilleur de lui dans ce morceau. L'instrumentalisation est meilleure que jamais, et dieu merci, il a modifié sa voix; son niveau style vocal était beaucoup plus naturel et agréable. Son groupe a clairement subi une transformation drastique pour le meilleur. Je n'arrive pas à décrire à quelle point cette chanson est merveilleuse, mais c'est comme si Oliver vivait sa chanson plus qu'il ne la chantait. 
Quand Oliver est revenu, il a vu que j'essuyais des larmes au coin de mes yeux. J'ai bredouillé quelques compliments émus; Oliver était aux anges. Il m'a ensuite demandé ce qui n'allait pas, et je lui ai tout raconté par rapport à David, et il m'a écoutée avec grande attention. Nous avons ensuite sans enchaîné sur la guitare, et il m'a poussée à me dépasser. Il n'a cessé de se répandre en compliments encourageants, un sourire satisfait et radieux à ses lèvres. J'ai souri moi aussi. J'ai souri sincèrement pour la première fois depuis des semaines. 
 

Ce matin, j'ai failli crever.
J'ai glissé sur le sol mouillé de ma salle de bains, et tombée violamment  en arrière sur l'escalier carrelé qui mène à la baignoire. Ma tête est tombée à quelques milimètres du bord solide et pointu de l'une des marches. Pendant quelques secondes, j'ai vu ma vie défiler devant mes yeux. Même si mon dos est atrocement douloureux, je m'en suis miraculeusement sortie sans saignement ni fracture (enfin je crois). Immédiatement après, j'ai pleuré, non de douleur, mais de solitude. Je me suis rendue compte que si j'y étais passée, personne ne l'aurait sû avant que mon cadavre ne commence à empester dans le hall de mon immeuble plusieurs jours après. Que si j'avais été simplement inconsciente, j'aurais de toute façon fini par mourir d'une hémorragie dans l'ignorance générale. Sans nouvelles de moi, ma mère aurait simplement cru que la batterie mon téléphone français se serait déchargé et que j'avais oublié de m'en occuper, et les rares amis que j'ai à Liverpool auraient simplement pensé que j'avais oublié de leur répondre ou que je m'étais endormie. Il m'arrive de laisser écouler plusieurs jours, semaines, mois avant de répondre à un message, et personne ne se serait inquiété. 
Alors que j'étais étalée à poil sur mon carrelage trempé, j'ai réalisé qu'Oliver était devenu le petit rayon de soleil de mon quotidien auquel je devais m'accrocher. Avec ou sans béguin, ces petits rendez-vous hebdomadaires me ramènent à la vie. 
 

 

Je vous mets une vidéo d'une de ses chansons que j'aime bien. C'était avant qu'il change sa voix. 

 Trudy and the Romance - Wild 

 
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